Elijah B. Murphy ♫ La célébrité m'a frappé comme si une tonne de briques me tombait dessus

PARTIE 1: Survivre à son destin

Je suis né à Copenhague en plein mois de novembre, dans une famille purement traditionaliste et immensément croyante. Cinquième et dernier enfant de la famille Bello, rien ne me prédestinait à une carrière extraordinaire. Lorsqu’on est le p’tit dernier, on se contente souvent des restes…et il n’y en a pas tant que ça lorsqu’on vient d’une famille de pêcheurs pas très fortunés. Le problème avec ce style de vie, c’est que même lorsqu’on essaie de tout notre cœur d’aimer quelque chose d’aussi insipide que la pêche, on n’y parvient pas. Pas si on a pas la fibre pour mener une vie de misère sur les eaux glacées, loin de tout. Déjà enfant, je me démarquais des miens par mon manque d'habileté manuelle et ma tendance à vouloir lire, danser et chanter. J’étais la risée, dans ma propre famille, la honte des Bello. Notre famille était pauvre, mais respecté dans le voisinage et moi, j’étais incapable de faire aussi bien que mes frères et soeurs. J’en étais incapable et je ne voulais clairement pas faire aussi bien qu’eux. J’espérais secrètement que mes parents finiraient par comprendre et à accepter mes préférences et mon désir de vouloir connaître autre chose que cette vie qui ne m’inspirait que désespoir et tristesse…mais les choses ne se passèrent pas réellement de cette façon. Pas tout à fait.


Ma mère désira rapidement tuer cette hérésie qui empoisonnait mon être (selon ses dires). Après avoir demandé conseil à plusieurs reprises au prêtre de la ville (N'oublions pas à quel point la religion avait une forte ascendance sur les paroissiens à cette époque), elle décida que ça serait par les hurlements, les insultes, les coups et la violence qu’elle tuerait la fibre artistique de mon être afin de me faire embrasser la vie simple et difficile qu’avait adopté les Bello. De mes cinq ans à mes douze ans, j’ai subi de multiples châtiments de sa part et de la part de mes deux frères aînés qu’elle avait mandaté pour l’aider dans sa mission. Coups de bâtons, gifles, coups de poing et de pieds…mon corps à été marqué par eux à de nombreuses reprises, mais malgré ça, je demeurais incapable d’être à la hauteur des attentes de ma mère. Mon père dans cette histoire? Il ignorait tout ou presque de cette décision maternelle puisqu’il disparaissait pendant de longues semaines sur les flots. Les coups et les insultes cessaient lorsqu’il était à la maison. Bien sûr, il savait que quelque chose de louche se déroulait sous son toit vu les ecchymoses qui décoraient régulièrement mes bras, mon visage et mes jambes, mais il avait fait la promesse il y a bien longtemps de laisser toutes les décisions quant à l’éducation des enfants Bello à sa femme…ma mère.


Ce fut quelques jours après mon douzième anniversaire qu’il n’eut pas le choix d’agir pour me sauver. Les actions de ma mère et de mes frères avaient été beaucoup trop loin et je m’étais retrouvé à l’hôpital, plongé entre la vie et la mort. Il faut dire que plonger la tête d’un enfant dans un bassin empli de carcasse de poissons à répétition et pendant de longues minutes n’est pas vraiment recommandé si on tient à le garder vivant. Je suis resté inconscient pendant trois longs jours et à mon réveil, seul mon père était là. Il manquait une semaine particulièrement prolifique pour veiller sur moi, au plus grand mécontentement de ma mère. D’ailleurs, je crois qu’elle laissa échapper quelques phrases concernant les problèmes que ma vie leur occasionnait suite à cette décision puisqu’il m’annonça dès les premières minutes de mon éveil que je ne reviendrais pas à la maison. Je me suis senti abandonné par cet homme que j’aimais plus que tout au monde, mais rapidement, il me serra contre lui tout en caressant mes cheveux avec tendresse.


Je viens d’une famille de pêcheurs, nous ne sommes pas de grands affectifs. Cet élan d’affection surprise et inattendu fut le premier et le seul que me prodigua mon père. C’est à cet instant que j’ai compris qu’il ne m’abandonnait pas par haine, mais bien par amour. Il n’avait pas besoin de parler, cette étreinte contre son corps tremblant d’émotions contradictoires me le disait silencieusement. Il avait peur que la prochaine fois, il n’arrive pas assez rapidement pour me sauver de la fureur de ma mère et de mes frères. Comme il savait que jamais je ne serai un pêcheur, il concocta un plan pour me sauver et m’offrir la vie dont je rêvais, à la hauteur de ses maigres moyens. Il annonça donc ma mort à mes frères et à ma mère, paya quelques types louches afin d’obtenir un certificat de décès qui satisferait sa femme et organisa mon départ en Amérique. Son frère cadet -mon oncle Bjorn- y vivait depuis de longues années et y avait fait bonne fortune en devenant un financier redoutable. Comment parvint-il à le convaincre de m’adopter? Même aujourd’hui, je l’ignore. Bjorn et mon père gardent encore précieusement ce secret. C’est donc avec un certificat d’adoption en poche que je me suis envolé pour New York, sachant que je ne reverrais sans doute plus jamais mon véritable père, celui qui me sauva de la fureur de ma propre mère.


Voilà la force de l’amour de mon père à mon égard. C’est fort. Beau. Magnifique.


Avant de le quitter, je lui ai promis que je deviendrais une véritable étoile, que je le rendrais fier de moi. J’espère avoir réussi.


Partie 2: Devenir l'Étoile

Dès mon arrivée à New-York, mon oncle Bjorn s’empressa de m’inscrire dans les meilleures écoles privées. Il ne tenait pas à ce que son fils adoptif lui fasse honte, lui qui était important dans son cercle social. Il fut d’ailleurs terriblement rassuré de voir que malgré mon éducation aléatoire, mon intelligence m’aidait à rapidement obtenir les meilleures notes de ma classe. Rapidement, il se mit à planifier mon avenir, à me parler des universités les plus réputées en matière de finance, malgré mon jeune âge, mais encore une fois, ce n’était pas de ça dont je voulais. Je me retrouvais de nouveau emprisonné par la volonté d’un autre quant à ma vie. Je ne rêvais pas de bâteau de pêche ou de fortune accumulé grâce à des fonds d’actions et des placements…moi ce que je voulais, c’était jouer. Incarner divers personnages, m’enfoncer dans une existence l’instant d’une pièce ou d’un film avant d’à nouveau changer de peau. Pour moi, le monde du cinéma et du théâtre, c’était ça la véritable magie…le véritable rêve. Ce fut donc en cachette, les soirs après l’école, que j’ai commencé à prendre des cours de théâtre, de chant, de danse et de musique. Tout mon temps libre y passait ainsi que tout mon argent de poche et plus encore. Afin de tout payer, je me suis trouvé quelques petits boulots de livreur de journaux et d’épicerie. J’étais déterminé à tenter ma chance et à devenir cette étoile que j’avais promis d’être à mon père.


Ce fut à mes quinze ans qu’un agent m’offrit de me représenter, après qu’il eut assisté à une comédie musicale où je tenais le premier rôle masculin. Hamelet, vous connaissez? J’ai d’abord pensé que ça prendrait du temps avant qu'il revienne avec un contrat ou une audition pour moi, mais non. J’ignore comment, mais tout s’est succédé à une vitesse incroyable, sans même que je m’en rende compte. En à peine deux mois, j’avais obtenu le rôle clé dans une production de Broadway et un rôle essentiel dans un film de grande envergure. J’ai tenté de conserver le secret le plus longtemps possible afin de ne pas décevoir mon oncle Bjorn, mais j’ai compris que dans une ville aussi intense que New York, les secrets ne tiennent pas longtemps. Je n’ai pas pu lui annoncer ma décision de choix de carrière qu’il l’a découvert par lui-même. Ce fut lui qui m’annonça que des affiches géantes de ma personne étaient placardées dans tout Time Square et ses environs afin d’annoncer le film dans lequel je venais d’obtenir mon premier rôle.


Je l’avoue, j’ai réellement craint que les épisodes de violences que j’avais connu auprès de ma mère recommence, mais Bjorn m’étonna en me félicitant. Il me demanda même pourquoi je ne lui avais jamais parlé de mon envie de faire du cinéma et du théâtre. Ce fut ce soir-là que, pour la toute première fois, j’ai ouvertement parlé de la réalité cruelle qui m’avait conduit jusqu’à lui. Je pensais que mon père avait tout raconté à mon oncle lorsqu’il lui avait demandé de m’adopter, mais j’ai vite compris qu’en fait, même mon père ignorait l’entièreté du calvaire que j’avais vécu auprès des miens durant ses longues absences. Cette conversation me lia à mon oncle comme jamais auparavant et c’est à partir de cet instant que j’ai commencé à le considérer comme mon second père, véritablement. Cette conversation me libéra de mon passé et fit disparaître un énorme poids de mes épaules. Enfin, je pouvais être moi.


Mon ascension vers le succès et la popularité fut vertigineuse et rapide. De gamin un peu paumé et miséreux, je suis devenu le jeune homme que l’on s’arrachait et dont la fortune se chiffrait à plusieurs centaines de milliers de dollars. Par chance, mon oncle veillait sur mes finances et mon agent sur ma carrière, parce qu’autre le jeu et la musique, je ne comprenais pas grand chose à ce qui m’arrivait. Même avec les années qui se succédaient et mes nombreuses apparitions au cinéma et sur les planches de Broadway, je restais toujours abasourdi et étonné de voir une horde de fans traquer le moindre de mes gestes. Aimable, charmant, charismatique et affable, on disait de moi que j’étais facile d’approche et près de mes fans. Une célébrité qui n’avait pas oublié d’où elle venait, en quelque sorte. Je vivais ma plus belle vie, j’accumulais les rôles et les conquêtes… jusqu’au jour où tout changea.


Partie 3: La folie d'un amour démesuré