Alix Langdon ♫ Thunderstruck

C'est le second né, celui dont on a pensé, au début, qu'il serait la tornade, la pire des engeances du démon. C'était sans oublier la pile Duracell qui lui sert de grand frère. Deux surexcités de service. Les parents décident de faire une "petite" pause. Parce qu'il faut gérer les deux énergumènes, les couches, les biberons tardifs, les nuits sans sommeil, les cauchemars, les disputes puériles de gosses avant que cela ne s'arrange avec un deal tout aussi enfantin qu'eux. Parce que c'est bien, c'est mignon les enfants, surtout quand ça joue ensemble. C'est unis. Mais c'est une unisson tant dans l'amusement que dans la connerie phénoménale. Puis y'a un troisième enfant qui s'ajoute au duo de démons. Un petit sous-fifre à faire plier à la dure loi du pouvoir des grands frères. Et en fait non. Le bébé gazouille et Alix se prend d'affection. Trois enfants. Trois p'tits mecs. Maman voudrait une fille. Et deux ans plus tard, c'est la même rengaine. Maman part. Maman revient avec les bras chargés d'un nouvel être vivant. La petite princesse de la famille. Camille. Véritable bébé gâté par les aînés. S'ils peuvent s'engueuler, ils seront toujours d'accord sur un point : Camille, c'est leur petite protégée.

Garçon un peu turbulent. Garçon qui ne tient pas en place. Ecole difficile. Frapper avant de parler. Frapper avant de réfléchir. Parce qu'on a mal parlé du grand frère, parce qu'on a mal parlé de la famille. Parce qu'on a mal parlé de cette petite rouquine qu'il aime bien. C'est le gosse qui se pointe en salle de retenue avant que la retenue ne tombe parce qu'il connait le chemin, parce qu'il sait qu'à tout moment, cela finira pas se savoir et autant s'y pointer en avance. La sentence sera peut-être plus douce. Après tout, faute avouée, à moitié pardonnée, alors il avoue deux fois et emballé c'est pesé. C'est le gosse, dans cette famille aux faux airs de petite famille parfaite, qui ne supporte pas avoir les cheveux tirés en arrière, qui ne supporte pas être tiré à quatre épingles, et pourtant, tu adoreras ça plus tard, et une fois le cul posé sur le banc, la tête baissée pour une fausse prière, les mains passent dans les cheveux encore pégueux pour les foutre en bordel. Il aime bouger, il aime se dépenser. Il commence la boxe et se montre assez doué là-dedans, et surtout, il est bien plus gérable le soir en rentrant. C'est que c'est fatigant, et tant mieux. Un de fatigué, plus que trois à gérer.

Un jour, il a bouffé une droite un peu trop forte. La dent fait mal, le nez pisse le sang. Mais il en rit. Il en pleure de douleur - enfin, il essaie de ne pas pleurer, parce que vous savez tous ce que c'est, c'est un p'tit gars, un p'tit adolescent avec l'arrogance d'un paon, ça ne pleure pas - mais il en rit quand même. Mais t'as plus de dents d'enfant mon chou. Non. Une dent qui bouge, un aller simple pour le dentiste qui se frotte les mains. Cela va coûter bonbon à la famille. L'appareil dentaire, le truc le moins sexy de la planète pour un gosse de son âge, pour un gosse comme lui, catalogué comme sportif et quelque peu cérébral. Les bagues aux dents, c'est bon pour les matheux, pour ceux qui vont aux échecs, pas pour lui. Petite honte mais il s'y fait vite, parce que la maison ne diffère pas de l'école, il peut compter sur ses frères et sœurs pour lui rappeler - en douceur et avec humour - que c'est bien moche. Puis on a regarder ses dents, c'est qu'il va falloir enlever les dents de sagesses. T'auras jamais toutes tes dents, mon pauvre.

Il lui faut un boulot pour se canaliser, se contenir, un truc avec de la discipline. Et s'il voit son frère aîné s'engager dans les arts, comme il peut le sentir pour la petite dernière, deux âmes artistes, il n'y touche que dans de très rares occasions. Il sert d'oreille attentive à Nath, il peut parfois servir de modèle vivant à Camille quand elle veut essayer de dessiner. Pour un devoir au lycée, c'est lui qui pose pour elle entre deux jours de travail. Il entre à l'école de police, pour avoir de la discipline, il y en a. Et mettre Alix au pas, c'est difficile les premiers mois. C'est que canaliser un hyperactif, c'est pas évident. Mais il apprend. A se tenir. A se taire. A freiner son impulsivité. Il apprend et sort diplômé de l'école. Veste sur le dos, casquette sur la tête, tenue de cérémonie qui rend bien sur sa carrure aussi carrée que fine.

La première soirée alcoolisée de Camille se termine par elle, dansant sur la table, complètement torchée. Nath s'occupe des déplacements et ce sont les larges pulls d'Alix qu'elle porte sur ses épaules. Elle, la petite dernière, elle, la princesse couverte par ses grands frères auprès des parents qui laissent les gosses faire un peu leur vie. Nath, c'est le premier à partir du cocon familial. C'est le premier à laisser cette fausse famille parfaite. Alix devient le grand frère tout puissant de la famille qui fait tout pour que les plus jeunes ne manquent de rien. Il fait du mieux qu'il peut pour masquer l'absence parfois de Papa ou de Maman. C'est discret. Quand ils ne sont pas là. Cela ne fait jamais de bruit, on ne sait pas. On n'entends pas. Tout donne l'impression que tout va bien. Et c'est autour d'Alix de prendre son envol. Le premier appartement, les premières difficultés. Les premiers mois à se dire que, le riz, c'est bien en fait. Les premiers mois à calculer, compter, l'essence, le loyer, les factures, l'assurance et regarder ce qu'il reste pour faire les courses. Rien n'est jamais trop quand Camille décide de venir squatter, parce qu'il habite pas loin du lycée, le grand frère et qu'il adore avoir sa petite princesse à la maison. Fais pas gaffe au bordel qu'il lui dit, parfois, le brun, alors que le bordel c'est sans doute des miettes du sandwich du midi et le couteau à beurre qui traîne, un plaid mal rangé sur le canapé et l'assiette avec une nouvelle tentative de cookies sorti du four qui attendent juste d'être goumer par la plus jeune.

Et l'annonce tombe. Et les cris sont insoutenables par les deux plus jeunes. Toute la petite famille si parfaite en apparence s'effondre du jour au lendemain. Il y avait cachalot sous cailloux. Papa aimait aller voir ailleurs. Maman aussi. Cris déchirants pour les deux plus jeunes. Mit au courant par des voies détournées, les nouvelles apprises par les "enfants" de la famille. Et c'est son tour d'apprendre ça au plus grand. A l'héritier qui n'hérite de rien. Alix appelle Nath pour le tenir au courant, entre deux envies de meurtres et deux crises de paniques relativement mal gérées. Puis plus rien. Plus de maison. Plus de petite famille aimante. Divorce prononcé dans la douleur de l'attente, dans les cris d'une mère qui refusait de voir le père s'en aller. Papa est partit. Avec le frangin et Camille. Il est partit loin. Bien, bien loin. Il a carrément changé de pays. Sentiment d'impuissance face à tout ça. Des nouvelles, il en a, par facectime. Fratrie unie malgré la distance, malgré les kilomètres. Projet de rejoindre la famille aux U.S. Argent mit de côté. Les années poncées pour avoir l'argent nécessaire, la promotion, tout ce qu'il faut pour avoir un petit confort après le départ.

Moto vendue. Clés de l'appartement rendues. Démission claquée comme on pourrait claquer de l'encens dans la tronche d'un indésirable dans une vieille maison abandonnée. Les affaires, le peu d'affaire en sa possession, empactées dans deux valises et un sac à dos. T'es déjà monté dans un avion ? Question qu'on lui a posé un million de fois. Non. Jamais. Il n'est jamais trop tard pour l'expérience d'un vol. Les huit heures les plus longues de sa vie. Vol sans escale. Londres - New York. Envie de vomir, envie de dormir. Envie d'atterrir. C'est long. Trop long. Il lit, il tente de se changer les idées. Le temps ne passe pas. Il fini par réussir à dormir et c'est quand il a enfin trouvé la position confortable pour l'entièreté de son corps et qu'il commence à sombrer totalement qu'on ose le réveiller parce que l'avion va bientôt atterrir. Le pied sur le sol américain, et le jet lag qui frappe de plein fouet. Les huit longues heures de vol qui frappent l'arrière du crâne. T'as pensé à l'hôtel ? Où dormir ? Où vivre en attendant d'avoir un appartement ? D'avoir un travail ? T'es vraiment partit avec les mains dans les poches ? Il est partit quand il a pu, comme il a pu. Evidemment qu'il n'est pas partit les mains dans les poches, il a pensé à, au moins, prendre une chambre d'hôtel pour commencer, avant de pouvoir se mettre à réfléchir à quoi que ce soit, il faut faire passer le décalage horaire et comater pendant au moins 24h.

D'abord, le travail. Il faut d'abord qu'il se trouve un poste. Et là, nouveau pays, nouvelle vie, la possibilité de recommencer, de trouver autre chose à faire de sa vie. Mais non. Vocation embrassée, même sur la nouvelle terre d'accueil. L'une des plus grosses différences avec l'Angleterre ? L'arme à la ceinture. Bien plus que de la simple dissuasion, elle est chargée et prête à l'emploi. Présenté au centre, les papiers sous le piffard de l'accueil. Tout c'est rapidement enchaîné - peut-être un peu trop rapidement. Entretien. Exercices physiques. Exercices psychologiques. Exercices de tir. Renommé "le british" part certain.es de ses collègues. Avant de trouver un toit convenable, Alix écume les hôtels, dort parfois au poste lorsqu'il est de garde, la nuit. C'est là qu'il se rend compte que le mode de vie change de tout au tout. Soirée off, il prend du temps pour visiter vraiment la ville, pour écumer New York et ses différents quartiers, essayer de voir un peu des visages. Il sait qu'il est loin de son père, loin de ses frères et sœurs, mais il attend d'avoir son chez lui pour tenter quoi que ce soit. Les deux plus jeunes de la famille mit au courant de sa venue, les entrevues se font pourtant rares avec la distance. Soirée off, il prend son temps, il arpente les rues et tombe sur une affiche avec une gueule qu'il reconnaîtrait entre mille. Ce petit salopio est ici. Sourire aux lèvres, il décide de se procurer une place pour le concert du groupe.

Le groupe se produit sur une scène ouverte. Il fait chaud, c'est l'été. Un sourire de gosse aux lèvres sans trop savoir ce qu'il écoute. Il faut dire qu'il n'a jamais entendu ce que son frère à pu produire comme musique. Et c'est une belle découverte - pas de là à nourrir son égo en chantonnant ce que Nath fait. Le regard écarquillé en voyant les gonzesses et même certains mecs commencer à hurler à plein poumon en voyant le chanteur du groupe retirer son t-shirt. Mesdemoiselles, on se calme, il est trop vieux pour vous ! Un autre hurlement à en devenir sourd lorsqu'il enfile le drapeau LGBT envoyé par un.e fan. Très beau coming out, frangin. Le concert se termine et, privilège de flic, il se glisse dans les loges pour y trouver son frère. Trouver la loge de ce dernier est assez comique. Il se trompe une à deux fois de pièces avant de trouver celle de son grand frère et de pousser la porte avec un magnifique sup broh'. Meilleure surprise, meilleur fou rire depuis des années. Des retrouvailles à leur image, bruyantes, interminables. Des vannes toutes plus moisies les unes que les autres.

Les clés dans la serrure. Appartement partagé avec Nath, bientôt les autres de la famille qui viennent rejoindre. Une colocation des enfers. Mettez quatre engeances de Satan dans la même pièce, avec un chat, et c'est fini. Soirée karaoké jusqu'à pas d'heure, à emmerder les voisins qui sont bien souvent invité.es à participer avec eux par Alix, se disant qu'au moins, si cela peut détendre un peu l'atmosphère et éviter l'arrivée en trombe des collègues à l'appartement, c'est plutôt cool. Chacun.e a son mode de vie, chacun.e a ses petites habitudes, mais toujours sans empiéter sur les habitudes des autres. Il y a des rituels auxquels aucun.es n'échappent. Que ce soit le vendredi pizza, le dimanche pancakes. L'irruption dans la petite vie de famille d'une énième bouille. Une petite attachée à Nath, qui le fait rire, qui le fait sourire. Sans compter la capacité de Raf' à venir squatter le canapé familial en attendant Camille. Appartement plus semblable à un énorme squatte ou un énorme moulin.

Comme dirait un grand homme CENTRAAAAAAAAL ON A UN PROBLEME !!!. L'affaire qu'on colle sur le dos, sur le cul d'Alix est loin de lui plaire. Et pour cause, un auteur ayant collaboré avec les fédéraux il y a de cela quelques mois semble avoir reçu des menaces de mort. Il a haussé un sourcil au début. Aliocha Sidorov. Le nom ne lui parle pas plus que ça mais soit. Il faut bien faire son travail. Le premier contact, le premier regard et il a su. N'allez pas croire que c'est un coup de foudre au premier regard, loin de là. Il a su que ce serait quelque chose de servir de garde rapprochée à ce type. Alix a su que ça allait être d'un casse couille. Il ne se gêne pas pour lui faire part de son opinion, qu'elle soit demandée - ou pas. Aliocha a droit au côté distant, froid et sérieux d'Alix. Il ne lui parle que très peu. Un vous presque assassin avec le ton froid qui va avec. Il est juste là pour s'assurer que rien ne lui arrive. Ni plus, ni moins. Loin de lui l'envie de jouer les baby-sitter pour un russe ayant prit le risque de sa vie. Conflit interne qui commence à montrer le bout de son nez, plus il passe de temps avec ce dernier, plus il a tendance à chercher à comprendre, la curiosité est un vilain défaut Alix, tu le sais, et pourtant, après 4 mois à lui coller au cul telle son ombre, Alix semble moins froid, toujours aussi distant. Comme s'il ne voulait pas apprendre à le connaître. Ce n'est pas pour ça qu'on lui a assigné la protection de Sidorov. Pas pour apprendre à le connaître, à apprendre comment il en est arrivé là, pourquoi une telle décision. Il lui casse allègrement les noisettes mais il ne peut s'empêcher, quelque part, au fond, tout au fond, de s'inquiéter, quand même un peu, pour le russe.