Crazy Train | Elio

CRAZY TRAIN.

ft.   @Elio A. Mercier

Vendredi, sortie du travail. Passage éclair à l'appartement pour changer de fringues et surtout prendre une bonne douche chaude. Fermeture sportive. Tu m’étonnes, j’suis seule et c’est vendredi. Cheveux décolorés en queue de cheval. Les hanches ondulent au rythme de la musique dans le gros casque. Vivre comme s’il n’y avait pas de lendemain, vivre comme si personne ne regardait. Se foutre de tout. Croquer la vie à pleine dent. Un texto au bro. A l’homme platonique de sa petite vie colorée. Elle ne lui demande pas, elle le prévient juste qu’elle va passer. Clé dans la serrure du petit studio sommairement rangé. Ah ouais c’est un sacré bordel chez la benjamine Al-Sayed mais elle s’y retrouve, dans son bordel organisé. Alors c’est tout ce qui compte pour elle. Tant qu’elle sait où sont ses affaires, elle se fiche pas mal de l’ordre. C’est son ordre à elle. Pantalon trop large balancé du pied droit, le haut balancé de la main gauche. Nue sous l’eau, elle chante. Elle chante faux mais elle s’en branle, vous n’avez pas idée à quel point.

“Say that again, I didn't quite hear you ! Messed with the wrong bitch in the wrong era !”

Elle vit sa vie comme elle l’entend. Fausse blonde qui sait qu’elle rend sa famille fière à mener sa petite barque en solitaire sans se laisser commander par qui que ce soit, où que ce soit. Elle râle. Elle jure. Le shampoing dans les yeux. Elles font comment ses frangines, pour assurer aussi bien avec leurs routines.Moi, ma routine, c’est  juste de pas puer le mort. C’est que Soukaina serait presque jalouse. Elle glisse, se rattrape à la paroie de la douche. Une nouvelle injure, le sourire aux lèvres. Elle aime l’adrénaline. C’est une de ses drogues. Pas de là à se mettre constamment en danger, clairement pas. Elle tient beaucoup trop à la vie pour se mettre en danger inutilement, mais parfois, une petite piqûre d’adrénaline aléatoire fait du bien, ça la fait rire. Elle n'est pas finie. Ce n’est pas possible autrement. Serviette autour des hanches, autre serviette dans les cheveux. Elle continue de chanter, de massacrer plutôt l’une de ses chansons préférées. Faut s’habiller. Petit haut, petite veste, pantalon moulant. Aller ma fille, faut rentrer ce petit cul dans ce plus petit pantalon. Son projet pour la soirée ? chiller avec Elio. Ou sortir. Aller en boîte, peut-être en bar. Elle ne veut rien imposer à Elio si ce n’est sa présence, sa fabuleuse présence.

“Tudu, tudu, tudu, tudu … Ay, ay, ay !”

L’anxiété ? L’angoisse ? Elle ne connaît pas. Du moins, elle ne connaît plus cette petite. Elle a appris à vivre pour elle et rien que pour elle. Pas de soutif ? Oh non, ce n'est pas confort. Et puis, avec Elio, elle le sait, la demoiselle ne risque rien. Nada. Quechi. Wallouh. Un nouveau texto, elle prévient qu’elle ramène des chips. Histoire de ne pas venir les mains vides. Parce qu’elle n’aime pas, la petite Snousnou, venir les mains vides. C’est que la blondinette a l’impression que c’est un manque total de respect envers la personne qui l’accueil. Aussi se démerde-t-elle toujours pour trouver un truc quand elle va voir son frère ou ses frangines. Que ce soit de la bouffe ou une connerie. Bien souvent pour Elio c’est de la bouffe. Parce que qu’est-ce qu’on peut aimer la bouffe tous les deux, c’est dingue. On a un estomac pour deux. Et un neurone qui fait garde alternée parfois. La rue, elle a l’impression que cette dernière lui appartient. Elle, la salle gosse de New York qui fait des doigts, qui tire la langue. L’enfant mal élevée qui ne fait que rire au nez de la société et de ses normes ridicules.

“Bon … droite, gauche puis tout droit à la poubelle.”

Comme si elle se sentait obligée, après tant d’années d’amitié et de pseudo vie commune, de se rappeler les premiers moyens mnémotechniques pour ne pas se perdre. Elle a un double des clés ? Possible. Tout comme sans nul doute qu’Elio a un double des siennes. Elle compte les pavés dans sa tronche de linotte. Petit tote bag sur l’épaule. Un tote bag coloré, avec un beau drapeau de fierté dessus. Si on le sait pas, c’est qu’on est aveugle. Déambulation nocturne dans la rue jusqu’à la porte menant à l’appartement du grand Mercier. Les escaliers montés quatre à quatre. Nouvelle gamelle. Nez contre la porte, les mains qui rattrapent de la maladresse dans la hâte. Long souffle. J’ai eu chaud. Bien sûr. Comme toujours. Reprendre contenance. Gorge raclée, main levée et poing contre la porte - avec douceur et fausse délicatesse.

“Eeeelioooo ! Ma p’tite baguette ! J’suis là !”

Elle est là. Fabuleuse.